Kusen, sesshin d’hiver
Par Raoul Ryu Koku Lecourt
22 janvier 2017
Le kusen, les paroles entendues pendant zazen, proviennent du silence. Elles apparaissent un moment dans notre monde, pénètrent le subconscient, et disparaissent. Aussi le kusen ne doit pas être lu comme un texte continu. Les mots n’existent que pour résonner dans le silence, lequel est suggéré par des points de suspension…
G
Laissez passer les pensées…
Avec chaque expiration qui descend dans la bas ventre, vous videz vos poumons du gaz carbonique résiduel et vous abandonnez les complications de votre mental…
En l’absence d’agitation mentale, on retrouve la paix, la condition normale, le va et vient du souffle…
En l’absence de Vouloir, on redevient témoin de la danse de la vie, témoin du rêve qui se déroule en nous et autour de nous…
On peut alors prendre conscience de la merveilleuse harmonie du grand Tout, de la joie qui existe dans le dépouillement de l’Être, dans le rayonnement de Komyo, disait Maître Ejo…
Notre monde n’est qu’une projection du mental à l’état de veille. Ce n’est rien d’autre qu’une idée, un reflet du monde limité qu’on porte en soi. En fonction de ce qu’on croit, consciemment ou non, on oriente nos émotions et les actions de notre vie.
Concentré sur l’abondance et la beauté de la vie, on éprouve un sentiment de gratitude. Bien sûr, ce n’est qu’un des aspects de la réalité, mais se mettre à la recherche de la gratitude, c’est provoquer son expansion.« Tout le cosmos est une perle brillante » disait Gensha.
Chaque moment de gratitude est une étape de transformation. Avec le temps, la gratitude nous transforme, nous et ce qui nous entoure. Elle éclaire les ténèbres, permet à la conscience de révéler l’autre côté de l’obscur. Alors on peut transcender la réalité. Et quand, dans toutes les directions, vous ne pouvez voir que la lumière, c’est que la gratitude vous a uni à votre vrai Soi, à votre nature de Bouddha.
Aussi Osho écrit-il :
« Un homme devient Bouddha le jour où il accepte avec gratitude tout ce que la vie lui apporte »
On pratique alors zazen dans le seul but d’exprimer notre gratitude. C’est le chemin de la dévotion. Naturellement, les visages s’éclairent du sourire intérieur dont parle Thich Nath Hanh.
Avec les années de pratique , notre gratitude se développe pour les patriarches qui nous ont précédés, en particulier pour Maître Deshimaru et le dharma, l’enseignement qu’il nous a transmis.
C’est ce dharma qui nous permet de marcher aujourd’hui dans leurs traces et d’actualiser cet esprit pur, cette lumière spirituelle, ce komyo qui illumine la pratique de zazen.
À la fin, ce qui nous habite, ce qui nous élève, c’est la conscience d’appartenir à cet infini. Le reste n’est qu’un rêve qui nous fait parcourir le monde à travers d’innombrables existences.
Tchouang-tseu disait :
« Prendre conscience de ce rêve,
c’est se reconnaître en chacun,
et cesser de vouloir à tout vent,
pour laisser l’infini nous remuer »