Par Michel Go Shin Ménard
Maître Deshimaru disait souvent que zazen, c’est retourner à la condition originelle, normale du corps et de l’esprit. Mais qu’est-ce que cela signifie?
A l’origine, l’esprit de chacun est calme et tranquille. Au fil du temps, nous avons donné à notre esprit la possibilité de se disperser dans toutes les directions, de saisir toutes les choses qui lui paraissent divertissantes ou excitantes.
Pascal, ce grand penseur du 17e siècle disait : « J’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas pouvoir rester tranquille dans une chambre. » Les paroles de Bouddha sont semblables : « Pratiquer la Voie c’est comme rentrer chez soi et s’asseoir en paix. »
Pour zazen, la posture d’éveil du Bouddha, il est important de pratiquer dans des circonstances favorables : dans un endroit qui ne soit ni trop chaud ni trop froid, ni trop éclairé ni trop sombre, où on se sent en sécurité, où l’on n’a pas peur. L’éducation zen passe en premier lieu à travers le corps, d’où l’importance donnée à la posture, de sans cesse réajuster la posture, à l’équilibre entre tension et détente. Kodo Sawaki a dit : « Pratiquer zazen, c’est comme rouler en bicyclette . » Vous devez pédaler continuellement et, pour maintenir la direction, vous devez effectuer sans arrêt de petits mouvements avec le guidon. C’est être ni relâché ni tendu, ce qui favorise une bonne respiration.
Les points toniques sont la cinquième vertèbre lombaire, la nuque, les pouces. Les points détendus sont l’abdomen, les épaules, le visage. La posture elle-même influence directement l’activité cérébrale. Bien sur, en corrigeant l’attitude de l’esprit il est aussi possible de ramener le corps à une juste harmonie. On dit que la tête doit demeurer froide. Petit à petit, on découvre que toute cette activité cérébrale n’est pas le coeur de notre existence : il est simplement avec nous et c’est tout.
C’est penser à travers la posture. C’est seulement à travers la posture et la respiration que l’esprit pourra se reposer. Peu à peu la distinction entre corps et esprit se réduit et inconsciemment et naturellement, on en réalise l’unité. C’est penser avec l’esprit vaste, l’esprit de Bouddha, l’esprit du silence du cosmos, l’esprit limpide comme un miroir où tout apparaît et disparaît dans un éclair. C’est comme le ciel traversé par les nuages. Qu’ils soient rares ou nombreux, quelles que soient leur forme ou leur couleur ils n’altèrent ni ne dérangent le ciel.
Sur le signet de notre dojo, on retrouve une phrase qui dit : « Lorsque l’esprit ne demeure sur rien, le véritable esprit apparaît. » C’est une phrase du Sutra du Diamant qui nous rappelle que nous pouvons à chaque instant, éveiller notre esprit, en ne demeurant en aucun lieu et sans s’arrêter, se fixer sur aucun objet en particulier. Dans la vie, chacun travaille avec un but, avec une idée, un objectif à atteindre; mais la vie spirituelle la plus élevée pour l’homme ne peut être atteinte que là où il n’y a plus de recherche de profit, ni aucune peur de perdre, là où notre vie se consume pleinement.
Lorsque le regard est tourné vers l’intérieur, lorsque l’esprit n’est pas occupé ailleurs, lorsque nous sommes concentrés sur notre posture et notre respiration, notre vie se consume pleinement.